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Pourquoi la dette publique française pose problème ?

 I) Quelques notions de base sur l’endettement

1) Que signifie précisément s’endetter ?

S’endetter c’est emprunter de l’argent à quelqu’un pour payer quelque chose .

S’endetter c’est aussi s’engager à rembourser la somme empruntée dans un certain délai, augmentée d’un certain montant, qu’on appelle les intérêts.

2) Pourquoi une entreprise, un Etat ou un particulier décide-t-il de s’endetter ?

On s’endette principalement pour financer des dépenses que l’on ne peut assumer avec ses seules ressources financières propres .

On ne devrait accepter de s’endetter que si on est confiant dans sa capacité future à rembourser sa dette ; cette capacité future provient souvent de nouveaux revenus obtenus grâce à l’achat financé par la dette, ou de dépenses évitées ; je m’explique :

1er exemple : un boulanger s’endette pour acheter un nouveau four à pain lui permettant de doubler sa production quotidienne : le surcroit de recettes de vente de pain doit lui permettre de rembourser sa dette et de gagner plus d’argent :

=> s’endetter dans ce cas a un effet positif sur l’activité de la boulangerie, en permettant de la développer : c’est vertueux (les financiers parlent d’effet de levier de la dette); attention c’est vertueux si la croissance des recettes est au rendez-vous ; sinon la dette accroit les difficultés !!

2ème exemple : un particulier locataire s’endette pour acheter sa résidence principale : l’économie de loyer va lui permettre de rembourser tout ou partie de sa dette, et peu à peu il devient propriétaire de sa résidence principale : c’est vertueux.

 

3) Est-ce une bonne ou une mauvaise décision que de s’endetter ?

Le paragraphe précédent présente deux exemples d’endettement vertueux; troisième exemple :

 un particulier prend un crédit à la consommation (= s’endette) pour s’acheter du mobilier : il ne peut compter sur aucun nouveau revenu ou baisse de dépenses lié à son achat ; donc soit il anticipe une augmentation de salaire, soit il devra demain se serrer un peu plus la ceinture en diminuant ses dépenses pour rembourser le crédit et ses intérêts; ce n’est pas vertueux !

=> je conseille ainsi à chacun d’éviter les crédits à la consommation, coûteux en taux d’intérêt et qui conduisent beaucoup de Français aux revenus modestes à des situations de surendettement.

Ainsi s’endetter c’est utiliser un moyen de financement ; un moyen n’est ni bon ni mauvais dans l’absolu, tout dépend de l’usage de celui qui l’utilise.

4) De combien peut-on raisonnablement s’endetter ?

On est raisonnablement endetté dès lors qu’on a la capacité d’assumer ses dépenses courantes et ce qu’on appelle « le service de la dette » (c’est  le remboursement progressif du montant emprunté et le paiement des intérêts).

On peut donc calculer pour chacun ce que représente un endettement raisonnable :

  • Les banques ont développé des logiciels leur permettant de déterminer le montant raisonnable de prêt à consentir à un particulier pour acquérir une résidence principale.
  • Une entreprise également sait calculer le service raisonnable de la dette qu’elle peut supporter sans risquer de se trouver dans l’incapacité de faire face à l’ensemble de ses dépenses .

remarque : l’expression « service de la dette » est très intéressante, puisqu’elle montre qu’une fois endetté l’emprunteur se met au service de la dette : qui s’endette perd ainsi une part de sa liberté !!

5) Conclusion

Deux points d’attention lorsqu’on décide de s’endetter :

1er point : Est-ce qu’on s’endette pour une bonne raison ?

  • Pour financer des dépenses courantes : mauvaise raison
  • Pour financer quelque chose dont on attend un retour (nouveaux revenus, baisse de dépenses) : bonne raison

2ème point : Le poids du service de la dette est-il supportable ?

 => il faut bien dimensionner le montant de sa dette , son taux d’intérêt et ses conditions de remboursement (principalement la durée).

 

II) Examen de la dette publique française à la lumière de ces quelques notions de base

à venir…

1er point : Est-ce que la dette publique française a été levée pour de « bonnes raisons « ?

2ème point : Le poids du service de la dette est-il supportable ?

 

 

Les principaux enjeux pour 2011 de l’Agence France Trésor

 Ils se résument de façon très simple :

  • convaincre des préteurs de continuer à prêter à l’Etat Français : ça semble évident, mais certains états n’y arrivent plus !!
  • emprunter à un taux d’intérêt le plus bas possible

Combien ?

http://www.aft.gouv.fr/aft_fr_23/cadre_budgetaire_25/principaux_chiffres_89/besoins_ressources_financement_94/index.html

Il faut emprunter dans les meilleures conditions 187 Mds (oui ce sont bien des milliards d’euros), qui se décomposent ainsi :

  • 92 Mds pour financer le déficit budgétaire 2011 de l’Etat
  • 95 Mds pour rembourser des dettes anciennes finançant d’anciens déficits budgétaires

En clair l’Etat emprunte pour financer son déficit et pour rembourser ses dettes : imaginez un citoyen qui emprunterait auprès de sa banque pour payer ses dépenses d’électricité et pour rembourser son emprunt immobilier….

A quel taux ?

Cela dépend bien sûr si l’emprunt est à 1 an ou à 10 ans !! En règle générale plus la durée est longue et plus le taux est élevé. La durée de 10 ans constitue souvent une référence : en octobre 2010 l’AFT a emprunté à 10 ans à un taux d’intérêt de  3.22%.

Quels sont les préteurs ?

Je ne sais pas précisément… sinon qu’à 65% ils ne sont pas Français; ce taux dépassait 70% il y a un an. Le taux de 65% reste historiquement élevé, mais la baisse en 1 an est rapide : signifie t-elle une perte d’intérêt des étrangers pour la dette de l’Etat Français , à suivre…

Sont-ils difficiles à convaincre ?

Pour le mesurer on calcule le taux de souscription; depuis janvier 2011 il est en moyenne de 2.5 c’est à dire :

 l’AFT veut emprunter 1 €; elles consulte les préteurs, qui sont prêts à lui préter 2.5€, soit 2.5 fois plus : çà signifie que l’AFT n’a pas de difficultés pour emprunter à 3.2% à 10 ans; ce n’est pas le cas de tous les pays, suivez mon regard…

Conditions d’emprunt des autres Etats Européens

spreado_fr_2011-11-04 écarts de tx d’emprunts dans l’UE  source Agence France Trésor(cliquer sur le lien ou lire le tableau ci-dessous)

Le graphe montre l’évolution depuis janvier 2008 des conditions d’emprunt de 7 pays de la zone euro. La ligne noire horizontale en trait plein définit la moyenne des conditions d’emprunt de ces 7 pays .

Si la courbe d’un pays est en dessous de cette ligne, il emprunte moins cher que la moyenne des autres; si elle est au dessus c’est qu’il emprunte plus cher.

Conclusions :

  • les écarts entre les conditions d’emprunt des meilleurs et des moins bons explosent (et encore la Grèce n’y figure pas !!).
  • L’Etat portugais emprunte actuellement à 12.5% environ quand l’Etat Français emprunte à 3.2%
  • L’écart entre les conditions d’emprunt des Etats français et allemand se creuse, à l’avantage de ce dernier, qui emprunte début nov 2011 à 2.1% .

 

La dette publique française est-elle trop élevée ? doit-on parler de surendettement ?

Voilà une question bien délicate à répondre !! Certains disent oui, d’autres non, d’autres enfin que çà dépend !! Essayons de raisonner juste :

 Qu’est-ce que le surendettement : on parle de surendettement dès lors que celui qui est endetté n’a pas la capacité de rembourser sa dette dans des délais raisonnables; répondre à la question du surendettement nécessite préalablement de répondre à quelques questions :

 Quel est l’ampleur du montant à rembourser ?

 1 600 Mds fin 2010 : c’est beaucoup…

Pour la seule dette de l’Etat, avec un excédent budgétaire annuel de 5%, une croissance des recettes fiscales de 2% (suppose le même taux de croissance du PIB pour ne pas augmenter la pression fiscale), il faudrait 25 années pour la diviser la dette par 2.

Quelle est la capacité de remboursement des emprunteurs (Etat, Sécurité Sociale et Collectivités Locales)

Elle est …nulle actuellement , puisqu’ils sont tous en déficit ; pire, elle est négative car chaque année la dette augmente; les choses peuvent évidemment changer !!

Qui va réellement payer pour rembourser ?

L’Etat, la Sécurité Sociale et les Collectivités locales se sont endettés, mais ce sont nous, les citoyens, et les entreprises, qui devrons rembourser la dette.

Une fraction de cette dette publique s’ajoute donc à la dette personnelle de chaque Français, puisque c’est lui in fine qui devra la rembourser; les entreprises devront aussi y contribuer.

Quelle est la capacité de payer de ceux qui vont devoir rembourser ? Peuvent-ils payer plus ?

Les Français :

ils sont taxés sur leur patrimoine (impôts fonciers, ISF) , leurs revenus (impôt sur le revenu) et leurs dépenses (TVA, TIPP) .

  • on peut soit prélever plus sur les revenus ou augmenter les taxes sur les dépenses.
  • On peut taxer également plus fortement le patrimoine détenu.

Pouvons-nous payer plus ? Essayons de raisonner, indépendamment bien sûr de l’envie de chacun de répondre non, bien sûr …

Pour répondre il faut évidemment prendre en compte la situation financière des Français, qui se caractérise par :

  • une capacité d’épargne sur la base de leurs revenus actuels, après service de leur propre dette personnelle : à apprécier en % des revenus et en valeur;  c’est elle qui peut être mise à contribution pour payer plus d’impôts sans fragiliser la situation financière des Français ni affecter le PIB; quelques chiffres :
    • En 2010 la dette des ménages représente 12 fois leur épargne annuelle financière de 2010.
    • Cet endettement, exprimé en % du revenu disponible brut annuel, est à son plus haut en 2010, et représente 79% de celui-ci.
  • une valeur de patrimoine (hors résidence principale) : il peut être vendu en partie pour augmenter la capacité de chacun à payer plus d’impôts, sous réserve de trouver des acquéreurs;  la résidence principale doit être exclue car sa  vente ne dégage pas de capacité financière à supporter des impôts supplémentaires puisqu’il faudra alors payer un loyer pour se loger.
  • un niveau d’endettement personnel

conclusion :

 La capacité des citoyens à s’acquitter d’impôts supplémentaires se mesure ainsi en fonction de leur capacité d’épargne annuelle et de la valeur nette de leur patrimoine hors résidence principale , c’est à dire diminuée de l’endettement personnel ; reste à trouver des chiffres fiables sur ce sujet; 1ère indication : la valeur des placements en assurance -vie des Français serait quasiment égale à la dette de l’Etat Français, et permettrait donc son remboursement.

 

Les entreprises :

elles sont taxées principalement sur leurs bénéfices et sur leur valeur ajoutée (CVAE).

Même question que pour les Français : peuvent-elles payer plus d’impôts ?

a) Quelques rappels sur l’imposition

Hormis la CVAE, qui s’applique sur la valeur ajoutée, les impôts des entreprises se calcule sur la base de leur bénéfice; pas de bénéfice = pas d’impôt.

Le bénéfice avant impôt a  deux destinations obligatoires :

  • Rémunérer les salariés via la Participation.
  • Rémunérer l’Etat via l’IS (Impôt sur les Sociétés

Le bénéfice après impôt et participation a deux destinations possibles :

  • Rémunérer les propriétaires de l’entreprise, les actionnaires, qui ont investi dans l’entreprise
  • Rester dans l’entreprise, pour financer des projets de développement

Le bon taux d’imposition sur les bénéfices doit laisser dans l’entreprise suffisamment d’argent pour bien rémunérer les actionnaires (pas d’entreprise sans actionnaire) et lui permettre de financer son développement; faut-il augmenter le taux d’imposition actuel de 33%1/3 sur les bénéfices ? Je ne sais pas répondre; en revanche il faut s’interroger sur le nombre et la nature des entreprises qui bénéficient de dérogations et supportent des taux moins élevés. 

 b) Quelle est la situation financière des entreprises résidentes ?

Leur capacité à supporter plus d’impôts dépend évidemment de la qualité de leur situation financière, qui se mesure à travers différents indicateurs, et notamment :

  • leur profitabilité (résultat en % du Chiffre d’Affaires)
  • le poids de leur endettement propre : il représente en 2010 environ 130 % de la valeur ajoutée (Chiffre d’Affaires  – achats)
  • leur capacité d’épargne avant et après investissement (la variation de trésorerie de l’entreprise liée à son activité, hors opérations de financement).

 

Conclusion

Pour apprécier s’il y a ou non surendettement il faut donc mettre en regard la dette publique avec les  contributeurs de son remboursement :

  • la capacité des citoyens à s’acquitter d’impôts supplémentaires sans s’endetter ni réduire le PIB
  • la capacité des entreprises à s’acquitter d’impôts supplémentaires sans s’endetter ni réduire le PIB
  • les perspectives de croissance du PIB qui permettent d’augmenter les recettes fiscales sans alourdir la charge individuelle de l’impôt
  • les perspectives de baisse des dépenses publiques sans affecter le PIB

Je n’ai pas encore trouvé d’analyses de ce type sur la situation respective des différents pays; il se dit que les Français sont de gros épargnants en % de leur revenu, et sont peu endettés en comparaison par exemple des Anglais ou des Américains; à creuser…vos contributions sont bienvenues !! 🙂

 

Réduire la dette publique : une exigence d’équité vis à vis de nos enfants

 

Nous avons vu que l’augmentation considérable de la dette est la conséquence de budgets en déficit depuis des décennies ; Tous les Français nés en 1975 en ont bénéficié.

Or il est certain qu’il faudra baisser le niveau de cette dette.

Plus tard le remboursement démarre et plus il sera supporté par des générations qui n’auront même pas bénéficié de cet excès de dépenses publiques :

Il est impensable de léguer à nos enfants une montagne de dettes à rembourser, en plus d’un financement alourdi de nos retraites qu’ils devront supporter !!