De l’intérêt d’analyser les comptes publics de façon globale

Analyser les comptes publics dans leur ensemble  (Etat + collectivités locales + Sécurité Sociale) permet d’éviter les risques d’erreur liés à l’évolution dans le temps des missions de l’Etat et des collectivités locales :

En effet la répartition des missions de service public entre l’Etat et les collectivités locales a varié dans le temps sous l’effet des différentes lois dites de décentralisation ; variation de la répartition des missions signifie également des changements dans les budgets de chacun et des comparaisons difficiles d’une année sur l’autre.

Le 2ème intérêt de cette approche est de permettre des comparaisons avec d’autres pays, dont les missions de service public sont réparties de façon différente dela France entre le local et le national.

Historique de l’excédent/déficit des comptes publics depuis 1975 jusqu’à 2010

Les comptes publics sont en déficit permanent depuis 1975 (voir fichier Excel de l’Insee de référence : t_3106):

  • l’Etat est en perpétuel déficit depuis cette date ;
  • les collectivités locales ont été en déficit 29 années sur 36.
  • La Sécurité Sociale alterne déficit et excédent sur la période, sans tendance marquée.

Des pics de déficit en 1993 (6.5% du PIB) et en 2009 (7,5% du PIB).

L’Etat et les organismes associés représentent en moyenne 77% des déficits annuels depuis 1975.

 Le déficit public annuel moyen est égal à 3.1% du PIB depuis 1975 (donc supérieur au pire défini comme acceptable par le traité de Maastricht !!) ; le déficit moyen annuel de l’Etat est de 2.7% et celui des collectivités locales de 0.5 %.

Le déficit moyen des années 80 est de 2.4% du PIB, 3.9% pour les années 90 (décade marquée par la 1ère guerre du Golfe en 1993 mais aussi par un fort dynamisme dès 1994), 3.4% pour les années 2000-2005 et 4.6% pour les années 2006-2010.

 Depuis 35 ans l’économie française est passée par des périodes de crise, également par des périodes prospères (+3.4% de croissance moyenne du PIB durant la décade 1990-1999) : ces périodes prospères n’ont pas été mises à profit pour réaliser des budgets en excédent, pas même durant une seule année !!

Voilà bientôt deux générations que les comptes publics sont en déficit ; c’est devenu une habitude et une situation normale pour la plupart des Français (tous les Français de moins de 50 ans n’ont jamais entendu autre chose que l’annonce de déficits publics depuis qu’ils ont l’âge de s’intéresser à la question !!) :

C’est toute une éducation à faire sur le danger du déficit.

L’accumulation de ces déficits explique l’explosion de la dette, puisque chaque année il faut s’endetter pour trouver l’argent permettant de payer les dépenses en excédent par rapport aux recettes.

La dette publique française : son évolution de 1980 à 2010

voir document de référence : fichier Excel de l’Insee 3_101

La dette publique totale représente 1 591 Mds € fin 2010, soit environ 25 000 € par Français, enfants et bébés compris.

La dette publique n’a cessé d’augmenter depuis 1980, et beaucoup plus vite que la richesse produite chaque année par l’économie française (le PIB) :

 

La dette totale augmente de 15.1% par an en moyenne durant la décennie 1980 (92 à 333 Mds d’€), alors que le PIB n’augmente que de 9.6% par an : la dette augmente 1.5 fois plus vite que le PIB.

Elle augmente de 9.3% par an en moyenne durant la décennie suivante (806 Mds d’€ en 1999) alors que le PIB n’augmente que de 3.4% par an : la dette augmente quasiment 3 fois plus vite que le PIB durant cette décennie !!

Elle augmente enfin de 6.4% par an en moyenne durant la décennie 2000 alors que le PIB n’augmente que de 3.3% par an : la dette augmente quasiment 2 fois plus vite que le PIB durant cette décennie !!

 Depuis 1980 le PIB a été multiplié par 4.3, la dette par 17.3 !!

 Attention : les % de croissance annuelle de la dette s’appliquent à une dette de plus en plus élevée : ainsi la croissance annuelle de la dette s’accélère !! Pour être plus clair sur chaque décennie :

  • + 240 Mds d’€ de dette entre 1980 et 1989
  • + 473 Mds d’€ de dette entre 1989 et 1999
  • + 785 Mds d’€ de dette entre 1999 et 2010

Evolution de la dette publique par majorité à l’Assemblée Nationale depuis 1978

Le bilan de chaque majorité :

(voir  http://www.assemblee-nationale.fr/elections/historique.asp)

 En rose la majorité de gauche, en bleu la majorité de droite.

L’analyse :

Sur la période 1978-2010 on comptabilise 15 années de majorité socialiste à l’Assemblée Nationale et 17 années de majorité de droite ; durant les majorités de gauche la dette a crû de 510 Mds, durant les majorités de droite la dette a crû de 1008 Mds, soit du double !!

On pourrait donc conclure que les majorités de gauche ont été beaucoup vertueuses que celles de droite… Pour être totalement rigoureux dans l’analyse il faut plutôt écrire  que les majorités de gauche sont plutôt responsables de fort taux de croissance de la dette alors que son montant est encore limité ; les majorités de droite sont elles responsables de taux de croissance de la dette plus faibles, mais alors que son montant devient de plus en plus élevé.

C’est une majorité de gauche qui détient le record de la législature la plus inflationniste en matière de dettes, durant la période 1981-1986 ; c’est aussi une majorité de gauche qui détient le record de la législature la moins inflationniste, durant la période 1997-2002.

Les cinq législatures de 1978 à 1997 portent une très grosse responsabilité dans l’explosion de la dette :

  • Elles ont accrédité l’idée dans la tête de tous que la France pouvait sans dommage augmenter chaque année son endettement
  • Elles n’ont pas profité des périodes prospères pour inverser la tendance.

La période 1997-2010 se caractérise :

  • Par un ralentissement de la croissance de la dette sur 1997 – 2002, (mais elle augmente quand même de 4% par an), alors même que le PIB augmente en moyenne de 4,0% par an, soit une exceptionnelle croissance.
  • Sur la période 2002-2008 par une augmentation de la croissance de l’endettement, alors même que la croissance du PIB reste très élevé (+3,8% par an en moyenne).

Il est toujours beaucoup plus facile de réduire l’endettement pendant les périodes fastes que les périodes difficiles ; les gouvernants ont laissé à nouveau passer une occasion rêvée de réduire l’endettement durant la période 1997 -2008, période pendant laquelle l’Allemagne a fait des efforts considérables.

La France aborde la crise majeure 2008 dans une situation très fragilisée :

Sur la période 2009-2010 la croissance moyenne du PIB est nulle et la dette augmente de 20%, soit 280 Mds.

La croissance du PIB en 2011 sera faible, tandis que l’endettement augmentera de plus de 100 Mds.

 Conclusion :

De cette analyse par majorité à l’Assemblée il ne se dégage aucun champion de la maîtrise de la dette publique ; impossible de départager droite et gauche, non pas dans l’excellence, mais dans l’insuffisance dramatique de leurs résultats. Il est désormais urgent que l’excellence devienne la règle en matière de maîtrise de la dette publique.

Qui porte la responsabilité de l’augmentation de la dette publique française de 1980 à 2010 ?

Quelle augmentation de la dette publique entre 1980 et 2010 ? 

cf document de référence : fichier Excel de l’Insee 3_101

La dette publique passe de 92 Mds à 1 591 Mds !

 

Qui contribue à cette augmentation ?

L’Etat est le principal responsable de l’augmentation de la dette publique depuis 1980, alors même qu’il a transféré de nombreuses missions de service public aux collectivités locales ; entre 1980 et 2010 sa dette est passée de 55 Mds à 1 245 Mds (multipliée par 23 en 30 ans !!).

Voir sur le blog les pages relatives aux comptes de l’Etat.

 

 La dette des collectivités locales est passée durant la même période de 31 Mds à 161 Mds (multipliée par 5 en 30 ans).

Pour mémoire les collectivités locales doivent respecter une « règle d’or », que l’Etat ne s’impose pas :

Les recettes de fonctionnement doivent couvrir les dépenses de fonctionnement. Le recours à l’emprunt n’est autorisé uniquement pour le financement des investissements, à l’exception du remboursement des annuités d’emprunt.

Il est tout à fait regrettable que l’Etat n’ait pas jugé utile de s’imposer cette règle de bonne gestion.

 

 L’évolution de la dette de la Sécurité Sociale est beaucoup plus contrastée, + 8% par an durant la décennie 80 (5 à 8.2 Mds d’€), une explosion durant les années 1990 (+ 22% par an et 45 Mds d’€ en 1999) qui se poursuit à un moindre rythme durant la décennie 2000 (+14% par an et 171 Mds d’€ en 2010).

 

 Qui remboursera cette dette ?

L’Etat, les collectivités locales et la Sécurité Sociale

Avec quel argent ?

Celui des cotisations sociales et des impôts

Qui paie les impôts et les cotisations sociales ?

Toujours les mêmes, les Français et les entreprises !!

Conclusion :

Ce sont les Français et les entreprises qui vont devoir rembourser !!

La dette publique française est-elle trop élevée ? doit-on parler de surendettement ?

Voilà une question bien délicate à répondre !! Certains disent oui, d’autres non, d’autres enfin que çà dépend !! Essayons de raisonner juste :

 Qu’est-ce que le surendettement : on parle de surendettement dès lors que celui qui est endetté n’a pas la capacité de rembourser sa dette dans des délais raisonnables; répondre à la question du surendettement nécessite préalablement de répondre à quelques questions :

 Quel est l’ampleur du montant à rembourser ?

 1 600 Mds fin 2010 : c’est beaucoup…

Pour la seule dette de l’Etat, avec un excédent budgétaire annuel de 5%, une croissance des recettes fiscales de 2% (suppose le même taux de croissance du PIB pour ne pas augmenter la pression fiscale), il faudrait 25 années pour la diviser la dette par 2.

Quelle est la capacité de remboursement des emprunteurs (Etat, Sécurité Sociale et Collectivités Locales)

Elle est …nulle actuellement , puisqu’ils sont tous en déficit ; pire, elle est négative car chaque année la dette augmente; les choses peuvent évidemment changer !!

Qui va réellement payer pour rembourser ?

L’Etat, la Sécurité Sociale et les Collectivités locales se sont endettés, mais ce sont nous, les citoyens, et les entreprises, qui devrons rembourser la dette.

Une fraction de cette dette publique s’ajoute donc à la dette personnelle de chaque Français, puisque c’est lui in fine qui devra la rembourser; les entreprises devront aussi y contribuer.

Quelle est la capacité de payer de ceux qui vont devoir rembourser ? Peuvent-ils payer plus ?

Les Français :

ils sont taxés sur leur patrimoine (impôts fonciers, ISF) , leurs revenus (impôt sur le revenu) et leurs dépenses (TVA, TIPP) .

  • on peut soit prélever plus sur les revenus ou augmenter les taxes sur les dépenses.
  • On peut taxer également plus fortement le patrimoine détenu.

Pouvons-nous payer plus ? Essayons de raisonner, indépendamment bien sûr de l’envie de chacun de répondre non, bien sûr …

Pour répondre il faut évidemment prendre en compte la situation financière des Français, qui se caractérise par :

  • une capacité d’épargne sur la base de leurs revenus actuels, après service de leur propre dette personnelle : à apprécier en % des revenus et en valeur;  c’est elle qui peut être mise à contribution pour payer plus d’impôts sans fragiliser la situation financière des Français ni affecter le PIB; quelques chiffres :
    • En 2010 la dette des ménages représente 12 fois leur épargne annuelle financière de 2010.
    • Cet endettement, exprimé en % du revenu disponible brut annuel, est à son plus haut en 2010, et représente 79% de celui-ci.
  • une valeur de patrimoine (hors résidence principale) : il peut être vendu en partie pour augmenter la capacité de chacun à payer plus d’impôts, sous réserve de trouver des acquéreurs;  la résidence principale doit être exclue car sa  vente ne dégage pas de capacité financière à supporter des impôts supplémentaires puisqu’il faudra alors payer un loyer pour se loger.
  • un niveau d’endettement personnel

conclusion :

 La capacité des citoyens à s’acquitter d’impôts supplémentaires se mesure ainsi en fonction de leur capacité d’épargne annuelle et de la valeur nette de leur patrimoine hors résidence principale , c’est à dire diminuée de l’endettement personnel ; reste à trouver des chiffres fiables sur ce sujet; 1ère indication : la valeur des placements en assurance -vie des Français serait quasiment égale à la dette de l’Etat Français, et permettrait donc son remboursement.

 

Les entreprises :

elles sont taxées principalement sur leurs bénéfices et sur leur valeur ajoutée (CVAE).

Même question que pour les Français : peuvent-elles payer plus d’impôts ?

a) Quelques rappels sur l’imposition

Hormis la CVAE, qui s’applique sur la valeur ajoutée, les impôts des entreprises se calcule sur la base de leur bénéfice; pas de bénéfice = pas d’impôt.

Le bénéfice avant impôt a  deux destinations obligatoires :

  • Rémunérer les salariés via la Participation.
  • Rémunérer l’Etat via l’IS (Impôt sur les Sociétés

Le bénéfice après impôt et participation a deux destinations possibles :

  • Rémunérer les propriétaires de l’entreprise, les actionnaires, qui ont investi dans l’entreprise
  • Rester dans l’entreprise, pour financer des projets de développement

Le bon taux d’imposition sur les bénéfices doit laisser dans l’entreprise suffisamment d’argent pour bien rémunérer les actionnaires (pas d’entreprise sans actionnaire) et lui permettre de financer son développement; faut-il augmenter le taux d’imposition actuel de 33%1/3 sur les bénéfices ? Je ne sais pas répondre; en revanche il faut s’interroger sur le nombre et la nature des entreprises qui bénéficient de dérogations et supportent des taux moins élevés. 

 b) Quelle est la situation financière des entreprises résidentes ?

Leur capacité à supporter plus d’impôts dépend évidemment de la qualité de leur situation financière, qui se mesure à travers différents indicateurs, et notamment :

  • leur profitabilité (résultat en % du Chiffre d’Affaires)
  • le poids de leur endettement propre : il représente en 2010 environ 130 % de la valeur ajoutée (Chiffre d’Affaires  – achats)
  • leur capacité d’épargne avant et après investissement (la variation de trésorerie de l’entreprise liée à son activité, hors opérations de financement).

 

Conclusion

Pour apprécier s’il y a ou non surendettement il faut donc mettre en regard la dette publique avec les  contributeurs de son remboursement :

  • la capacité des citoyens à s’acquitter d’impôts supplémentaires sans s’endetter ni réduire le PIB
  • la capacité des entreprises à s’acquitter d’impôts supplémentaires sans s’endetter ni réduire le PIB
  • les perspectives de croissance du PIB qui permettent d’augmenter les recettes fiscales sans alourdir la charge individuelle de l’impôt
  • les perspectives de baisse des dépenses publiques sans affecter le PIB

Je n’ai pas encore trouvé d’analyses de ce type sur la situation respective des différents pays; il se dit que les Français sont de gros épargnants en % de leur revenu, et sont peu endettés en comparaison par exemple des Anglais ou des Américains; à creuser…vos contributions sont bienvenues !! 🙂

 

Réduire la dette publique : une exigence d’équité vis à vis de nos enfants

 

Nous avons vu que l’augmentation considérable de la dette est la conséquence de budgets en déficit depuis des décennies ; Tous les Français nés en 1975 en ont bénéficié.

Or il est certain qu’il faudra baisser le niveau de cette dette.

Plus tard le remboursement démarre et plus il sera supporté par des générations qui n’auront même pas bénéficié de cet excès de dépenses publiques :

Il est impensable de léguer à nos enfants une montagne de dettes à rembourser, en plus d’un financement alourdi de nos retraites qu’ils devront supporter !!

Quelle dépendance de l’économie française à la mondialisation ?

Une façon de mesurer cette dépendance consiste à comparer la valeur des exportations et des importations avec le PIB :

La comparaison des importations avec le PIB montre combien l’économie française (ménages + entreprises + administrations) a besoin d’importer pour vivre au quotidien.

La comparaison des exportations avec le PIB montre quelle part de la création de richesse nationale sert à répondre aux besoins d’autres pays.

La comparaison du total exportations + importations (E+I)  avec le PIB montre le niveau d’interdépendance d’une économie aux échanges avec d’autres pays.

 Analyse du niveau d’interdépendance de l’économie française

Cette interdépendance est forte, et à tendance à croître :

E+I représente 45% du PIB durant la décennie 80, 45% sur la décennie 90 et 54% sur la décennie 2000; le taux était de 37% dans les années 70: l’ouverture de l’économie française au monde est croissante et forte.

 Analyse de la part exportée de la richesse nationale produite

Cette part est en hausse au fil des dernières décennies, et représente  22% durant la décennie 80, 23% durant la décennie 90 et 27% durant la décennie 2000-2010.

Positive dans sa tendance, cette croissance connait un coup d’arrêt brutal, une inversion même sur la période 2005-2010 au cours de laquelle le % se réduit (voir l’analyse sur la balance commerciale des biens).

 Analyse du besoin des acteurs économiques (ménages, entreprises et administrations) d’importer

Les importations représentent à peu près en valeur les exportations, et donc  un petit 25% du PIB.

La France est historiquement un pays avec une balance commerciale globalement à l’équilibre (Importations = Exportations).

Durant la même période 2005-2010, alors que les exportations baissent en % du PIB les importations elles augmentent en % du PIB (double effet qui creuse le déficit commercial).