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Comprendre les comptes 2010 de l’Etat

Le document de référence est le compte général de l’Etat 2010 (CGE) ; conformément aux dispositions de la LOLF, il est établi selon un référentiel comptable qui s’inspire très largement des pratiques des entreprises et des référentiels publics nationaux tout en tenant compte des spécificités de l’Etat (source : site Ministère du budget)

Il se compose d’un compte de résultat, d’un bilan, d’un tableau de trésorerie et d’une annexe. Les conclusions qui suivent sont intégralement issues de l’analyse de ces documents.

La comptabilité budgétaire, à la différence du CGE, présente un état des dépenses décaissées et des recettes encaissées ; les éléments chiffrés sont bien sûr différents du CGE.

1) Le périmètre comptable de l’Etat

Avant de présenter les comptes de l’Etat il est essentiel de définir précisément ce qu’ils regroupent ; c’est la définition du périmètre comptable. Petit jeu de questions – réponses :

  1. Les Ministères : oui
  2. La SNCF : non
  3. Le Parlement : oui
  4. EDF : non 
  5. La Présidence de la République : oui

Alors il y a quoi précisément dans ce périmètre ?

Tous les services ou Institutions de l’Etat qui n’ont pas de personnalité juridique propre : les juristes comprendront…pour les autres :

  • Les services de l’Etat : les Ministères
  • les Institutions de l’Etat, c’est à dire les Pouvoirs Publics : la Présidence de la République, le Conseil Constitutionnel, le Sénat, l’Assemblée Nationale…et les caisses de retraite et de sécurité sociale des deux assemblées parlementaires.
  • Un certain nombre de fonds, à vocation sociale : Fonds National d’Aide au Logement (FNAL), Fonds National des Solidarités Actives (FNSA)… sans personnalité juridique.
  • Les Publications officielles et administratives

De façon plus curieuse les comptes de l’Etat comprennent également l’Aviation Civile .

 

 2) Le budget de l’Etat : excédent ou déficit ?

Le déficit 2010 s’élève à 112 Mds, c’est-à-dire que les dépenses excèdent les recettes de 112 Mds, soit plus de 40% des recettes !!

Par analogie avec une PME c’est comme si le résultat de la PME était une perte de 40% de son Chiffre d’Affaires !!

Par analogie avec un ménage c’est comme si un ménage dépensait, hors remboursement de ses dettes, 1.4 fois plus que ses revenus; exemple : revenus mensuels de 3000€, dépenses mensuelles de 4200€ !!

Chacun comprend que cette situation ne peut durer très longtemps pour un ménage ou une PME !!

Dans le cas de l’Etat le déficit budgétaire dure depuis 1975, et en moyenne il a atteint 12.5 Mds dans la décennie 80, 40.5 Mds dans la décennie 90 et 55.8 Mds dans la décennie 2000 :

Le déficit est permanent depuis 1975, et il ne cesse d’augmenter !! Le déficit moyen des années 2000 est très supérieur à ce que rapporte la totalité de l’impôt sur le revenu !!

Exemples de mesures pour revenir à un budget à l’équilibre :

Sans baisser les dépenses et après avoir payé les intérêts de la dette, il faudrait  par exemple :

  • Supprimer l’ensemble des exonérations fiscales (95 Mds de niches fiscales) et doubler la TIPP (taxe sur l’essence)
  • Supprimer l’ensemble des exonérations fiscales (95 Mds de niches fiscales) et augmenter l’Impôt sur le Revenu de 30%
  • Multiplier le coût de l’Impôt sur le Revenu par 3.3 pour chaque contribuable.
  • Sans augmenter les recettes il faudrait réduire les dépenses de 29 %.

Attention ce ne sont pas seulement les intérêts de la dette qui créent le déficit de l’Etat !! Même sans intérêts à payer l’Etat est en déficit de 71 Mds en 2010 !!

Pour équilibrer ces 71 Mds il faudrait :

  • Augmenter l’Impôt sur le Revenu de 150%, soit un coût pour chaque contribuable multiplié par 2,5.
  • Tripler l’Impôt sur les Sociétés
  • Multiplier par 14 l’ISF (impôt sur la Fortune)
  • Augmenter le taux de TVA de 19,6% à 29,4%.
  • Réduire les exonérations fiscales de 75% !!

Ces exemples ne sont pas des propositions de mesures à prendre ; ils ont simplement vocation à illustrer l’ampleur des mesures à prendre pour revenir à un budget à l’équilibre.

Le budget 2010 est en déficit…comme tous les budgets depuis 1975 ; l’endettement de l’Etat n’a donc cessé d’augmenter depuis 1975 (+ 17.2% dans la décennie 80, +10.4% dans la décennie 90, + 6.3% durant la décennie 2000) pour atteindre 1 230 Mds fin 2010.

3) La situation de la dette : 1 230 Mds

La dette nette de l’Etat représente :

  •  4.5 fois l’intégralité des recettes fiscales de 2010 : ainsi avec un excédent budgétaire annuel (jamais connu depuis 1975) de 5%, une croissance des recettes fiscales de 2% (suppose le même taux de croissance du PIB pour ne pas augmenter la pression fiscale) , il faudrait 53 années pour rembourser la dette ; 32 années seraient nécessaires pour la diviser par 2.

 

  •  3.3 fois l’intégralité des recettes fiscales (après suppression de toutes les niches) de 2010 : ainsi avec un excédent budgétaire annuel (jamais connu depuis 1975) de 5%, une croissance des recettes fiscales de 2% (suppose le même taux de croissance du PIB pour ne pas augmenter la pression fiscale) , il faudrait 42 années pour rembourser la dette ; 25 années seront nécessaires pour la diviser par 2.

Il y a donc urgence, non pas à retrouver l’équilibre budgétaire, mais à dégager un excédent durable pour entamer la réduction de la dette.

Le gouvernement Fillon promet le retour à l’équilibre budgétaire en 2016 , ce qui signifie que la dette va continuer d’augmenter jusqu’en 2016; ensuite :

  •  elle baissera en valeur du montant de l’excédent budgétaire s’il y en a.
  • elle baissera en % du PIB dès lors que celui-ci progresse.

La réduction de la dette pourra être accélérée si l’Etat vend une partie de son patrimoine (uniquement celui qui est inutile pour l’exercice de ses missions); l’analyse de son patrimoine montre qu’il ne permettra pas de réduire significativement la dette : pas de salut de ce côté-là à espérer…

Pour ceux qui veulent en savoir encore plus sur les comptes 2010…

Le document de référence est le CGE (compte général de l’Etat, rédigé par la Cour des Comptes et disponible sur le site du Ministère du budget).

1) Le Compte de Résultat (Recettes et dépenses)

Le Compte de Résultat présente l’ensemble des recettes et des dépenses engagées de l’Etat, indépendamment de leur date d’encaissement ou de décaissement.

Le déficit 2010 s’élève à 112 Mds, c’est-à-dire que les dépenses excèdent les recettes de 112 Mds, soit de plus de 40% des recettes !!

 a) Les recettes : 271 Mds

Les recettes de l’Etat proviennent exclusivement de l’impôt, payé soit par les ménages, soit par les entreprises ; il n’a pas d’autres recettes significatives.

 Elles s’élèvent en brut à 368 Mds ; du fait d’un montant de 95 Mds d’exonérations fiscales (25% des recettes brutes), la recette nette s’élève à  271 Mds d’€.

Ces exonérations affectent principalement la TVA (57Mds), l’Impôt sur les Sociétés (19 Mds) et l’Impôt sur le Revenu (17 Mds) :

Les bénéficiaires des exonérations d’IS (entreprises) et d’IR (ménages) sont évidents ; la réponse est plus complexe pour les bénéficiaires des exonérations de TVA, dont la répercussion par les entreprises aux ménages s’avère inégale (voir les analyses existantes sur l’efficacité des exonérations fiscales sur le dynamisme de l’économie…et l’augmentation des dites recettes fiscales !!).

 Par ordre de montant collecté décroissant :

  •  N° 1 toutes catégories : Taxe sur la Valeur Ajoutée= TVA (130 Mds d’€)
  • Impôt sur le Revenu = IR (48 Mds d’€)
  • Impôt sur les Sociétés = IS (35 Mds d’€)
  • Droits d’Enregistrement, timbres… (15 Mds d’€)
  • Taxe sur les produits pétroliers = TIPP (14 Mds d’€)
  • Amendes, prélèvements sur les jeux… (6 Mds d’€)
  • Impôt sur la Fortune= ISF (5 Mds d’€)
  • Autres impôts (19 Mds d’€)

 b) Les dépenses : 384 Mds

 L’Etat les engage pour exercer ses pouvoirs et assumer ses missions.

  •  Dépenses de fonctionnement : comme le nom l’indique, ce sont les dépenses nécessaires au bon fonctionnement de l’Etat (166 Mds d’€).

Elles se composent principalement de charges de personnel pour 52% (2.1 millions de fonctionnaires d’Etat), de pensions (retraite et invalidité) pour 28%, d’achats divers et de subventions (24 Mds) au profit d’Etablissements Publics Nationaux (recherche, formation supérieure, action culturelle…).

  •  Dépenses d’intervention : dépenses motivées par la mission de régulateur économique et social de l’État : ce sont principalement des transferts au bénéfice des collectivités territoriales, des ménages, entreprises, et autres (168 Mds d’€).

60% des dépenses sont des transferts au bénéfice des collectivités territoriales, le solde se répartit entre les ménages (19% : aide au logement, contribution au RSA…), les autres collectivités (14 % : régime de retraite de la SNCF, aide au développement de pays tiers, enseignement et recherche via l’ANR et l’Agence Spatiale Européenne…) et enfin les entreprises (8% du total,13 Mds : exonération de cotisations, soutien à la pêche, l’agriculture… ).

  •  Frais financiers : ce sont les dépenses d’intérêt des dettes long terme et court terme (41 Mds d’€) : ils correspondent, pour une dette nette moyenne 2010 d’environ 1 268 Mds, à un taux moyen de financement de la dette d’environ 3,2%, soit un taux très bas, lié à la situation sur le marché des taux depuis plusieurs années et à la qualité de la signature de l’Etat Français auprès des préteurs.

Attention si l’Etat emprunte à 4.2% au lieu de 3.2%, alors les dépenses d’intérêt augmentent de 13 Mds par an !!

Les taux auxquels l’Etat emprunte sont fonction de la situation générale de l’économie, mais également de la confiance des préteurs dans la capacité de l’Etat à rembourser ; cette confiance se matérialise par une note, donnée par des agences indépendantes de notation : ces notes sont données sous forme de lettres, c’est le fameux AAA (triple A) de l’Etat Français, qu’il faut donc conserver pour éviter le renchérissement de la dette de l’Etat.

Remarque : l’Etat français bénéficie de la notation triple A, comme l’état allemand ; pour autant ce dernier emprunte à des taux significativement inférieurs à celui de l’état français (70 points de base environ en octobre 2011, soit la différence entre 3,7% de taux d’intérêt et 3%) :

Il y a donc des triples A + et des triples A – !! Autre façon de le dire, les préteurs aux états tiennent compte de la notation des agences, mais se forgent aussi leur propre conviction.

  •  Produits financiers : ils sont principalement constitués de produits reçus des participations de l’Etat (8 Mds), dès lors qu’elles sont bénéficiaires (cf au bilan la liste des participations).
  •  Subvention au bénéfice du budget de l’Union Européenne (18 Mds d’€).

 2)      Présentation et Analyse du Bilan à fin 2010

 Le bilan présente une photo à fin d’année du patrimoine et des dettes de l’Etat.

 a) Le Patrimoine (Actifs) :

  •  Immobilisations corporelles (441 Mds d’€) : terrains, constructions, matériel militaire, routes, ouvrages d’art ; les monuments historiques sont valorisés à 0.
  •  Participations financières : l’Etat détient des participations dans près de 900 entités, pour environ 260 Mds d’€ :

770 entités sont contrôlées par l’Etat, dont 570 sont des opérateurs de l’Etat (intervenant purement dans le cadre de missions de service public confiées par l’Etat : participation dans le CEA = 13 Mds, ONF = 10 Mds…) et 200 des EPIC (Etablissements Publics Industriels et Commerciaux) tels que la SNCF, participation = 7 Mds, EDF = 26 Mds, la Poste= 4 Mds, la RATP= 3 Mds …

130 sont non-contrôlées, et sont composées d’entités du secteur marchand (Caisse des Dépôts = 24Mds, Banque de France = 26Mds, GDF-Suez à 36% = 12Mds, France Telecom à 13% = 5Mds) et non-marchand (FSI = 10 Mds, Association Internationale de Développement = 12Mds…).

  •  Créances rattachées à des participations : principalement des prêts de l’Etat à des entités contrôlées par lui, en charge d’ »investissement d’avenir » (ANR, OSEO, ADEME, ONERA…)
  •  Prêts et avances : 17 Mds d’€, principalement composés de prêts de l’Etat Français à des Etats étrangers.
  •  Créances des redevables d’impôt (sommes dues par les contribuables et pas encore payées) : 47 Mds d’€.

 b) Les Dettes financières :

Montant : 1 255 Mds d’€, d’OAT (Obligations Assimilables du Trésor) principalement à taux fixe (80%).

 Maturité (durée de remboursement) :

Elle se répartit ainsi :

  • 23%  soit 281 Mds à rembourser dans les 12 mois
  • 33% soit 405 Mds à rembourser entre 1 et 5 ans 
  • 44% soit 532 Mds à rembourser au delà de 5 ans

L’essentiel de la dette est à rembourser sur des durées longues ; c’est plus facile de rembourser sur une durée longue, car l’effort à fournir chaque année est moins élevé ; mais ça coûte beaucoup plus cher en intérêts qu’une durée courte, car les intérêts se paient tant que dure le remboursement de la dette !!

Par ailleurs il faut noter que l’Etat doit rembourser la bagatelle de 281 Mds dans les 12 mois, et que comme il n’en a pas les moyens il va devoir emprunter la totalité de la somme, plus de quoi financer le déficit 2011 : voilà de quoi donner le vertige !!

 c) La trésorerie :

 La trésorerie de l’Etat se compose de :

  • principalement de liquidités déposées par des tiers (collectivités locales, hôpitaux, établissements publics…) auprès du Trésor, pour 110 Mds
  • de liquidités qui lui appartiennent : 25 Mds.

Le solde est négatif de 85 Mds.

 La dette nette de l’Etat = dettes financières – trésorerie positive

 Fin 2009 elle s’élevait à 1 128 Mds

  • Fin 2010 elle s’élève à 1 230 Mds ; soit une augmentation sur un an de 102 Mds ; durant la même période le patrimoine de l’Etat n’a pas significativement évolué ; cette augmentation s’explique principalement par la nécessité de financer le déficit des recettes sur les dépenses.

d) Les investissements : 60 Mds

On parle d’investissements pour désigner des dépenses qui n’ont pas vocation à payer des salaires ou à acheter des consommables (énergie,fournitures de bureaux…), mais qui sont engagées pour acheter des machines, des véhicules… 

Les investissements directs de l’Etat en 2010, hors investissements financiers, s’élèvent à 59.2 Mds d’€, et se décomposent ainsi :

  • investissements dits incorporels (logiciels…on ne peut pas les toucher) : 4.2 Mds
  • investissements corporels (machines, véhicules…) : 55 Mds, dont 19 Mds pour le matériel militaire et 6 Mds pour des terrains et des constructions.

Ce chiffre ne prend pas en compte 1 Md de subvention d’investissement versé aux Etablissements Publics Nationaux (Universités, centres de recherche scientifique,Bibliothèque Nationale de France, Musée du Louvre…).

3)       Engagements de garantie de l’Etat à fin 2010

 L’Etat a apporté sa garantie de remboursement à 130 Mds de dettes ou d’engagements pris par des tiers privés ou publics (liste «  à la Prévert ») ; principalement :

 a) Garantie accordée pour des missions d’intérêt général

  • Assurance : la garantie de l’Etat peut être mise en jeu pour faire face à certains risques, principalement le risque catastrophe naturelle (pour un total de 3 Mds)
  • Soutien aux exportations via la Coface, au titre de 6 procédures de soutien aux exportateurs (assurance –crédit, garantie de risque économique…) :
  • Garantie de protection des épargnants sur les livrets d’épargne : un encours de 314 Mds objet de la garantie ; le risque de mise en jeu de la garantie de l’Etat, compte tenu des règles de gestion de cette épargne, ont conduit à la mise en place d’un Fonds Pour Risques Bancaires Généraux d’une valeur de 1,8 Mds.

 b) Garanties accordées à des banques multilatérales de Développement Economique

(principalement BEI et BIRD), permettant à ces banques de lever des financements sur les marchés financiers.

 c) Engagements financiers de l’Etat

  • Engagements en matière d’Epargne Logement (21.5 millions de plans ouverts par des Français, 222 Mds d’encours).

L’Etat accorde une prime d’épargne aux titulaires, qui fait l’objet principalement d’une provision pour charges, et accessoirement d’un modeste engagement hors bilan.

  • Dispositif de refinancement des pays les plus endettés (1 Md).

 d) Engagements de retraite au titre des fonctionnaires 

Il est estimé à 1 200Mds, 746 Mds pour les retraités et 454 Mds pour les actifs.

 4)      Le Service de la dette de l’Etat en 2010

 Le service de la dette comprend le paiement des intérêts et les remboursements en capital.

Le paiement des intérêts a représenté 42 Mds d’€ (l’équivalent de l’IR, du budget de l’Education nationale).

L’Etat a procédé au remboursement de 111 Mds d’€.

Ainsi le service de la dette a représenté 153 Mds d’€ en 2010.

Les comptes publics : de quoi s’agit-il ?

Le périmètre des comptes publics regroupe à la fois les comptes de l’Etat, des Administrations Publiques Centrales (diverses agences et instituts, écoles supérieures et universités…) des Collectivités Locales et de la Sécurité Sociale.

Ces différentes structures publiques ont des recettes issues de l’impôt local, national et des cotisations sociales pour la Sécurité Sociale.

Elles engagent des dépenses, à la fois pour assurer leur fonctionnement et assumer différentes missions de soutien aux entreprises et aux citoyens.

Le budget de l’année présente les recettes et dépenses prévisionnelles ; il est en excédent lorsque les recettes dépassent les dépenses ; il est en déficit dans le cas contraire.

Les organismes publics ont la capacité de recourir à l’emprunt, et donc de s’endetter, pour financer certaines actions.

De l’intérêt d’analyser les comptes publics de façon globale

Analyser les comptes publics dans leur ensemble  (Etat + collectivités locales + Sécurité Sociale) permet d’éviter les risques d’erreur liés à l’évolution dans le temps des missions de l’Etat et des collectivités locales :

En effet la répartition des missions de service public entre l’Etat et les collectivités locales a varié dans le temps sous l’effet des différentes lois dites de décentralisation ; variation de la répartition des missions signifie également des changements dans les budgets de chacun et des comparaisons difficiles d’une année sur l’autre.

Le 2ème intérêt de cette approche est de permettre des comparaisons avec d’autres pays, dont les missions de service public sont réparties de façon différente dela France entre le local et le national.

Historique de l’excédent/déficit des comptes publics depuis 1975 jusqu’à 2010

Les comptes publics sont en déficit permanent depuis 1975 (voir fichier Excel de l’Insee de référence : t_3106):

  • l’Etat est en perpétuel déficit depuis cette date ;
  • les collectivités locales ont été en déficit 29 années sur 36.
  • La Sécurité Sociale alterne déficit et excédent sur la période, sans tendance marquée.

Des pics de déficit en 1993 (6.5% du PIB) et en 2009 (7,5% du PIB).

L’Etat et les organismes associés représentent en moyenne 77% des déficits annuels depuis 1975.

 Le déficit public annuel moyen est égal à 3.1% du PIB depuis 1975 (donc supérieur au pire défini comme acceptable par le traité de Maastricht !!) ; le déficit moyen annuel de l’Etat est de 2.7% et celui des collectivités locales de 0.5 %.

Le déficit moyen des années 80 est de 2.4% du PIB, 3.9% pour les années 90 (décade marquée par la 1ère guerre du Golfe en 1993 mais aussi par un fort dynamisme dès 1994), 3.4% pour les années 2000-2005 et 4.6% pour les années 2006-2010.

 Depuis 35 ans l’économie française est passée par des périodes de crise, également par des périodes prospères (+3.4% de croissance moyenne du PIB durant la décade 1990-1999) : ces périodes prospères n’ont pas été mises à profit pour réaliser des budgets en excédent, pas même durant une seule année !!

Voilà bientôt deux générations que les comptes publics sont en déficit ; c’est devenu une habitude et une situation normale pour la plupart des Français (tous les Français de moins de 50 ans n’ont jamais entendu autre chose que l’annonce de déficits publics depuis qu’ils ont l’âge de s’intéresser à la question !!) :

C’est toute une éducation à faire sur le danger du déficit.

L’accumulation de ces déficits explique l’explosion de la dette, puisque chaque année il faut s’endetter pour trouver l’argent permettant de payer les dépenses en excédent par rapport aux recettes.

La dette publique française : son évolution de 1980 à 2010

voir document de référence : fichier Excel de l’Insee 3_101

La dette publique totale représente 1 591 Mds € fin 2010, soit environ 25 000 € par Français, enfants et bébés compris.

La dette publique n’a cessé d’augmenter depuis 1980, et beaucoup plus vite que la richesse produite chaque année par l’économie française (le PIB) :

 

La dette totale augmente de 15.1% par an en moyenne durant la décennie 1980 (92 à 333 Mds d’€), alors que le PIB n’augmente que de 9.6% par an : la dette augmente 1.5 fois plus vite que le PIB.

Elle augmente de 9.3% par an en moyenne durant la décennie suivante (806 Mds d’€ en 1999) alors que le PIB n’augmente que de 3.4% par an : la dette augmente quasiment 3 fois plus vite que le PIB durant cette décennie !!

Elle augmente enfin de 6.4% par an en moyenne durant la décennie 2000 alors que le PIB n’augmente que de 3.3% par an : la dette augmente quasiment 2 fois plus vite que le PIB durant cette décennie !!

 Depuis 1980 le PIB a été multiplié par 4.3, la dette par 17.3 !!

 Attention : les % de croissance annuelle de la dette s’appliquent à une dette de plus en plus élevée : ainsi la croissance annuelle de la dette s’accélère !! Pour être plus clair sur chaque décennie :

  • + 240 Mds d’€ de dette entre 1980 et 1989
  • + 473 Mds d’€ de dette entre 1989 et 1999
  • + 785 Mds d’€ de dette entre 1999 et 2010

Evolution de la dette publique par majorité à l’Assemblée Nationale depuis 1978

Le bilan de chaque majorité :

(voir  http://www.assemblee-nationale.fr/elections/historique.asp)

 En rose la majorité de gauche, en bleu la majorité de droite.

L’analyse :

Sur la période 1978-2010 on comptabilise 15 années de majorité socialiste à l’Assemblée Nationale et 17 années de majorité de droite ; durant les majorités de gauche la dette a crû de 510 Mds, durant les majorités de droite la dette a crû de 1008 Mds, soit du double !!

On pourrait donc conclure que les majorités de gauche ont été beaucoup vertueuses que celles de droite… Pour être totalement rigoureux dans l’analyse il faut plutôt écrire  que les majorités de gauche sont plutôt responsables de fort taux de croissance de la dette alors que son montant est encore limité ; les majorités de droite sont elles responsables de taux de croissance de la dette plus faibles, mais alors que son montant devient de plus en plus élevé.

C’est une majorité de gauche qui détient le record de la législature la plus inflationniste en matière de dettes, durant la période 1981-1986 ; c’est aussi une majorité de gauche qui détient le record de la législature la moins inflationniste, durant la période 1997-2002.

Les cinq législatures de 1978 à 1997 portent une très grosse responsabilité dans l’explosion de la dette :

  • Elles ont accrédité l’idée dans la tête de tous que la France pouvait sans dommage augmenter chaque année son endettement
  • Elles n’ont pas profité des périodes prospères pour inverser la tendance.

La période 1997-2010 se caractérise :

  • Par un ralentissement de la croissance de la dette sur 1997 – 2002, (mais elle augmente quand même de 4% par an), alors même que le PIB augmente en moyenne de 4,0% par an, soit une exceptionnelle croissance.
  • Sur la période 2002-2008 par une augmentation de la croissance de l’endettement, alors même que la croissance du PIB reste très élevé (+3,8% par an en moyenne).

Il est toujours beaucoup plus facile de réduire l’endettement pendant les périodes fastes que les périodes difficiles ; les gouvernants ont laissé à nouveau passer une occasion rêvée de réduire l’endettement durant la période 1997 -2008, période pendant laquelle l’Allemagne a fait des efforts considérables.

La France aborde la crise majeure 2008 dans une situation très fragilisée :

Sur la période 2009-2010 la croissance moyenne du PIB est nulle et la dette augmente de 20%, soit 280 Mds.

La croissance du PIB en 2011 sera faible, tandis que l’endettement augmentera de plus de 100 Mds.

 Conclusion :

De cette analyse par majorité à l’Assemblée il ne se dégage aucun champion de la maîtrise de la dette publique ; impossible de départager droite et gauche, non pas dans l’excellence, mais dans l’insuffisance dramatique de leurs résultats. Il est désormais urgent que l’excellence devienne la règle en matière de maîtrise de la dette publique.

Qui porte la responsabilité de l’augmentation de la dette publique française de 1980 à 2010 ?

Quelle augmentation de la dette publique entre 1980 et 2010 ? 

cf document de référence : fichier Excel de l’Insee 3_101

La dette publique passe de 92 Mds à 1 591 Mds !

 

Qui contribue à cette augmentation ?

L’Etat est le principal responsable de l’augmentation de la dette publique depuis 1980, alors même qu’il a transféré de nombreuses missions de service public aux collectivités locales ; entre 1980 et 2010 sa dette est passée de 55 Mds à 1 245 Mds (multipliée par 23 en 30 ans !!).

Voir sur le blog les pages relatives aux comptes de l’Etat.

 

 La dette des collectivités locales est passée durant la même période de 31 Mds à 161 Mds (multipliée par 5 en 30 ans).

Pour mémoire les collectivités locales doivent respecter une « règle d’or », que l’Etat ne s’impose pas :

Les recettes de fonctionnement doivent couvrir les dépenses de fonctionnement. Le recours à l’emprunt n’est autorisé uniquement pour le financement des investissements, à l’exception du remboursement des annuités d’emprunt.

Il est tout à fait regrettable que l’Etat n’ait pas jugé utile de s’imposer cette règle de bonne gestion.

 

 L’évolution de la dette de la Sécurité Sociale est beaucoup plus contrastée, + 8% par an durant la décennie 80 (5 à 8.2 Mds d’€), une explosion durant les années 1990 (+ 22% par an et 45 Mds d’€ en 1999) qui se poursuit à un moindre rythme durant la décennie 2000 (+14% par an et 171 Mds d’€ en 2010).

 

 Qui remboursera cette dette ?

L’Etat, les collectivités locales et la Sécurité Sociale

Avec quel argent ?

Celui des cotisations sociales et des impôts

Qui paie les impôts et les cotisations sociales ?

Toujours les mêmes, les Français et les entreprises !!

Conclusion :

Ce sont les Français et les entreprises qui vont devoir rembourser !!

La dette publique française est-elle trop élevée ? doit-on parler de surendettement ?

Voilà une question bien délicate à répondre !! Certains disent oui, d’autres non, d’autres enfin que çà dépend !! Essayons de raisonner juste :

 Qu’est-ce que le surendettement : on parle de surendettement dès lors que celui qui est endetté n’a pas la capacité de rembourser sa dette dans des délais raisonnables; répondre à la question du surendettement nécessite préalablement de répondre à quelques questions :

 Quel est l’ampleur du montant à rembourser ?

 1 600 Mds fin 2010 : c’est beaucoup…

Pour la seule dette de l’Etat, avec un excédent budgétaire annuel de 5%, une croissance des recettes fiscales de 2% (suppose le même taux de croissance du PIB pour ne pas augmenter la pression fiscale), il faudrait 25 années pour la diviser la dette par 2.

Quelle est la capacité de remboursement des emprunteurs (Etat, Sécurité Sociale et Collectivités Locales)

Elle est …nulle actuellement , puisqu’ils sont tous en déficit ; pire, elle est négative car chaque année la dette augmente; les choses peuvent évidemment changer !!

Qui va réellement payer pour rembourser ?

L’Etat, la Sécurité Sociale et les Collectivités locales se sont endettés, mais ce sont nous, les citoyens, et les entreprises, qui devrons rembourser la dette.

Une fraction de cette dette publique s’ajoute donc à la dette personnelle de chaque Français, puisque c’est lui in fine qui devra la rembourser; les entreprises devront aussi y contribuer.

Quelle est la capacité de payer de ceux qui vont devoir rembourser ? Peuvent-ils payer plus ?

Les Français :

ils sont taxés sur leur patrimoine (impôts fonciers, ISF) , leurs revenus (impôt sur le revenu) et leurs dépenses (TVA, TIPP) .

  • on peut soit prélever plus sur les revenus ou augmenter les taxes sur les dépenses.
  • On peut taxer également plus fortement le patrimoine détenu.

Pouvons-nous payer plus ? Essayons de raisonner, indépendamment bien sûr de l’envie de chacun de répondre non, bien sûr …

Pour répondre il faut évidemment prendre en compte la situation financière des Français, qui se caractérise par :

  • une capacité d’épargne sur la base de leurs revenus actuels, après service de leur propre dette personnelle : à apprécier en % des revenus et en valeur;  c’est elle qui peut être mise à contribution pour payer plus d’impôts sans fragiliser la situation financière des Français ni affecter le PIB; quelques chiffres :
    • En 2010 la dette des ménages représente 12 fois leur épargne annuelle financière de 2010.
    • Cet endettement, exprimé en % du revenu disponible brut annuel, est à son plus haut en 2010, et représente 79% de celui-ci.
  • une valeur de patrimoine (hors résidence principale) : il peut être vendu en partie pour augmenter la capacité de chacun à payer plus d’impôts, sous réserve de trouver des acquéreurs;  la résidence principale doit être exclue car sa  vente ne dégage pas de capacité financière à supporter des impôts supplémentaires puisqu’il faudra alors payer un loyer pour se loger.
  • un niveau d’endettement personnel

conclusion :

 La capacité des citoyens à s’acquitter d’impôts supplémentaires se mesure ainsi en fonction de leur capacité d’épargne annuelle et de la valeur nette de leur patrimoine hors résidence principale , c’est à dire diminuée de l’endettement personnel ; reste à trouver des chiffres fiables sur ce sujet; 1ère indication : la valeur des placements en assurance -vie des Français serait quasiment égale à la dette de l’Etat Français, et permettrait donc son remboursement.

 

Les entreprises :

elles sont taxées principalement sur leurs bénéfices et sur leur valeur ajoutée (CVAE).

Même question que pour les Français : peuvent-elles payer plus d’impôts ?

a) Quelques rappels sur l’imposition

Hormis la CVAE, qui s’applique sur la valeur ajoutée, les impôts des entreprises se calcule sur la base de leur bénéfice; pas de bénéfice = pas d’impôt.

Le bénéfice avant impôt a  deux destinations obligatoires :

  • Rémunérer les salariés via la Participation.
  • Rémunérer l’Etat via l’IS (Impôt sur les Sociétés

Le bénéfice après impôt et participation a deux destinations possibles :

  • Rémunérer les propriétaires de l’entreprise, les actionnaires, qui ont investi dans l’entreprise
  • Rester dans l’entreprise, pour financer des projets de développement

Le bon taux d’imposition sur les bénéfices doit laisser dans l’entreprise suffisamment d’argent pour bien rémunérer les actionnaires (pas d’entreprise sans actionnaire) et lui permettre de financer son développement; faut-il augmenter le taux d’imposition actuel de 33%1/3 sur les bénéfices ? Je ne sais pas répondre; en revanche il faut s’interroger sur le nombre et la nature des entreprises qui bénéficient de dérogations et supportent des taux moins élevés. 

 b) Quelle est la situation financière des entreprises résidentes ?

Leur capacité à supporter plus d’impôts dépend évidemment de la qualité de leur situation financière, qui se mesure à travers différents indicateurs, et notamment :

  • leur profitabilité (résultat en % du Chiffre d’Affaires)
  • le poids de leur endettement propre : il représente en 2010 environ 130 % de la valeur ajoutée (Chiffre d’Affaires  – achats)
  • leur capacité d’épargne avant et après investissement (la variation de trésorerie de l’entreprise liée à son activité, hors opérations de financement).

 

Conclusion

Pour apprécier s’il y a ou non surendettement il faut donc mettre en regard la dette publique avec les  contributeurs de son remboursement :

  • la capacité des citoyens à s’acquitter d’impôts supplémentaires sans s’endetter ni réduire le PIB
  • la capacité des entreprises à s’acquitter d’impôts supplémentaires sans s’endetter ni réduire le PIB
  • les perspectives de croissance du PIB qui permettent d’augmenter les recettes fiscales sans alourdir la charge individuelle de l’impôt
  • les perspectives de baisse des dépenses publiques sans affecter le PIB

Je n’ai pas encore trouvé d’analyses de ce type sur la situation respective des différents pays; il se dit que les Français sont de gros épargnants en % de leur revenu, et sont peu endettés en comparaison par exemple des Anglais ou des Américains; à creuser…vos contributions sont bienvenues !! 🙂